Les langues régionales, utiles? Le bilinguisme en France, rare?
Les frontaliers bilingues, en particulier, ont le privilĂšge d’un horizon de vie, de frontiĂšres Ă©largies et des perspectives nouvelles d’emplois comme un Flamand de France en Belgique, d’un Alsacien de Mulhouse dans la Suisse AlĂ©manique ou d’un locuteur catalan de Perpignan Ă BarceloneâŠ

Atlas sonore.limsi.
Cette carte audio permet Ă l’aide d’un mĂȘme texte d’entendre et de comparer toutes ces langues mĂ©connues ou tapies au fond de la mĂ©moire…
Elle ne s’arrĂȘte pas aux frontiĂšres françaises avec une carte italienne, par exemple.
Bilinguisme dans les Pyrénées
Le cas de l’Alsace

- Alsace et Lorraine
- Témoignage de Céline Chevrier, Alsacienne de Colmar
En tant qu’Alsacienne, je trouve « normal » d’avoir une Ă©ducation germanique. J’entends par lĂ , la transmission du dialecte ou de l’allemand ainsi que des traditions. Mais ce n’est pas pour autant que tous les Alsaciens en bĂ©nĂ©ficient.
Aujourd’hui environ 40% d’entre nous parlent l’alsacien ou l’allemand. Pour qu’une Ă©ducation germanique se fasse et perdurent au fil des annĂ©es, cela demande une trĂšs grande implication des parents. Parfois, lorsqu’une seule des parties (maternelle ou paternelle) est alsacienne, il est souvent plus « commode » pour les parents de se pencher vers une Ă©ducation purement « française ». Pour ma part, j’ai bĂ©nĂ©ficiĂ© d’une Ă©ducation dans les traditions alsaciennes sans pour autant avoir une transmission du dialecte.
MĂȘme si beaucoup d’Ă©cole mettent en place les classes trilingues (anglais + allemand), l’anglais remporte plus de suffrage que l’allemand, langue considĂ©rĂ©e mĂȘme en Alsace comme difficile. Ces enfants dĂ©veloppent pourtant par la suite, des facilitĂ©s pour les langues Ă©trangĂšres.
Personnellement, j’ai eu le dĂ©clic pour l’allemand beaucoup plus tard, trop tard sans doute, car aujourd’hui je suis une alsacienne qui ne parle pas allemand (ne l’ayant jamais pratiquĂ© Ă la maison ou durant mes Ă©tudes supĂ©rieures) et ce malgrĂ© des classes trilingues, ce qui Ă©tonne bon nombre de recruteurs ;-). L’Alsace reste pourtant « ancrĂ©e » en moi, et je suis sĂ»re qu’aujourd’hui il ne manque que du temps pour retrouver les rĂ©flexes germaniques acquis en classe primaires et secondaires.
Pour ce qui est de l’apprentissage de l’alsacien, je pense que c’est beaucoup plus complexe que « l’aprĂšs 1945 » (mĂȘme si cela joue). Tout comme moi, je connais plusieurs jeunes qui ont Ă©tĂ© Ă©levĂ©s exclusivement en alsacien par des grands-parents dialectophones jusqu’Ă l’entrĂ©e en maternelle et qui pourtant ne parlent plus alsacien aujourd’hui , mais qui ont dĂ©veloppĂ© des compĂ©tences pour d’autres langues.
La prĂ©disposition aux langues, ce serait une question de bande passante des sons entendus pendant son enfance, la bande passante audio française Ă©tant particuliĂšrement limitĂ©e (la plus importante serait pour les langues slaves, prĂ©disposant Ă apprendre un maximum d’autres langues avec plus de facilitĂ©). On apprend plus facilement si on a Ă©tĂ© au contact avec d’autres sons durant sa prime enfance.
C’est sans doute dommage que l’Alsace n’ait pas su garder un vrai bilinguisme, peut ĂȘtre Ă©tait ce plus facile pour l’intĂ©gration et pour l’acceptation de cette rĂ©gion comme rĂ©gion faisant part entiĂšre de la France.
Dans les annĂ©es 50, s’intĂ©grer c’Ă©tait adopter la langue du pays d’accueil, mĂȘme au risque d’oublier sa langue maternelle.
Aujourd’hui, chez les jeunes de 30 ans, je ressens cette envie de repartir Ă la recherche de ses racines notamment lorsque ceux-ci ont intĂ©grĂ© une rĂ©gion comme Paris, ou les traditions sont totalement absentes et ces envies / besoins sont d’autant plus grand lors de la pĂ©riode de NoĂ«l pĂ©riode lourde de tradition (on connait tous la rĂ©putation des marchĂ©s de NoĂ«l).
Pour l’alsacien, il reste encore la question du dialecte, on ne parle pas le mĂȘme alsacien dans le haut-Rhin et le bas-Rhin. L’alsacien standard n’est qu’une vue de l’esprit, cela n’existe pas.
Aujourd’hui, l’alsacien, reste la langue du cĆur des personnes ĂągĂ©es qui ne se sont pas mises au français . Et deux clans s’affrontent, – « oh, c’est dommage, personne ne parle plus l’alsacien », et ceux qui disent « C’est super, maintenant tous les enfants parlent français et ce n’est plus un problĂšme » (comme dans les annĂ©es 1918-1940 oĂč en dĂ©finitive personne ne savait plus l’allemand et personne ne savait encore le français surtout Ă la campagne). L’envie que les enfants parlent le français mĂȘme au risque de perdre la langue rĂ©gionale, vient Ă mon avis des annĂ©es 40 et du traumatisme des personnes qui ont Ă©tĂ© Ă©vacuĂ©es dans le sud-ouest et qui se trouvaient en incapacitĂ© de communiquer avec des gens qui Ă©taient français eux aussi. Ă ne pas mĂ©sestimer.
L’alsacien et les traditions sont les racines de la transmission d’une langue germanique et donc de l’allemand. De moins en moins de famille transmettent cette tradition par faute de temps (surtout dans les grosses agglomĂ©rations). La part des jeunes adultes sachant parler allemand tend Ă disparaitre ainsi dans une Europe oĂč l’anglais prend tout son essor.