Les noms de marques Ă  l’international

Le nom de marque, une denrĂ©e rare et un casse-tĂȘte Ă  l’international. Un nom distinctif, dĂ©sirable et dĂ©posable, est le socle indispensable d’une communication efficace et diffĂ©renciante. La crĂ©ation d’une nouvelle marque au plan local s’apparentant, dit-on, Ă  un parcours du combattant (c’est souvent vrai), les agences spĂ©cialisĂ©es en naming sont confrontĂ©es Ă  des contraintes supplĂ©mentaires extraordinaires Ă  l’export.

Le nom de marque est une ressource rare

Article de Jacques Seidman, agence de naming Malt

Pour crĂ©er une marque internationale dont le nom sera le premier signe manifeste, il n’existe pas de recette miracle, mais une dĂ©marche qui se dĂ©roule en diffĂ©rentes Ă©tapes.
Des dizaines de millions de marques antĂ©rieures, des centaines de millions de domaines rĂ©servĂ©s, tel est le contexte d’accueil un peu hostile Ă  toute future crĂ©ation. Le nom distinctif et dĂ©posable devient une denrĂ©e rare.
L’encombrement Ă©tant une donnĂ©e de base, la premiĂšre question du crĂ©ateur de marques est donc de trouver un angle de diffĂ©renciation pour toute nouvelle crĂ©ation.
Tout d’abord, il faut envisager plusieurs scĂ©narios de naming.
Il y a en effet diffĂ©rents registres d’expression possibles :

  • les noms des crĂ©ateurs : Chanel, Renault, Mc Donald
  • les initiales : BP, IBM, LCI, SFR
  • les noms Ă©vocateurs ou symboliques : Puma , Nike , Picasso , Quick colissimo
  • les mots existants sans lien direct : Apple, Orange, Diesel
  • les Chiffres : N° 5 de Chanel
  • Les NĂ©ologismes : Vivendi, Axa , Areva
  • les noms descriptifs: speedy
  • les noms gĂ©nĂ©riques: auto journal

Rappel sur les noms de marque

C’est en fonction de l’investissement en communication, de la situation de concurrence, du positionnement, que le choix du type de noms sera optimisĂ©. Car Ă  chaque typologie de nom va correspondre une communication adĂ©quate.
La seconde Ă©tape consistera Ă  identifier le point de diffĂ©renciation sur lequel s’appuyer pour construire l’identitĂ© de la marque.
Notre dĂ©marche se dĂ©roulera ensuite en diffĂ©rentes sĂ©quences :
Nous dĂ©finissons des axes de crĂ©ation (des angles d’attaque qui permettront de crĂ©er plusieurs centaines de noms).
Puis nous produisons plusieurs centaines de noms rĂ©partis sur ces diffĂ©rents axes (en interne et parfois avec l’assistance de spĂ©cialistes) . c’est Ă  ce prix qu’on obtiendra une short list de 5 Ă  6 noms « forts Â» rĂ©pondant au cahier des charges (nombre dĂ©multipliĂ© pour l’international
).
Nous utilisons pour cela une batterie d’outils dĂ©diĂ©s :

  • Des ressources linguistiques correspondant Ă  la recherche en cours
  • Un gĂ©nĂ©rateur de noms dĂ©veloppĂ©s par l’agence MĂ LT
  • Une banque de 20 000 noms classĂ©s par thĂšme avec des racines latines ou anglo saxonnes (le plus souvent utilisĂ© pour le global naming.
  • Une connexion directe avec l’ensemble des bases de donnĂ©es des marques dĂ©posĂ©es au niveau mondial, pour Ă©carter de nos listes les marques antĂ©rieures dĂ©posĂ©es Ă  l’identique.

Stratégie

Vous avez un nom ou une marque connue en France et vous souhaitez exporter
.
Choisir le Made in France ou Made In International ?
L’image de la France Ă  l’étranger communique des valeurs de prestige, d’Ă©lĂ©gance et d’histoire.
Loin d’ĂȘtre dĂ©suet, ce capital d’image peut ĂȘtre activĂ© avec profit et pas seulement par la mode et le parfum.
La marque DS CitroĂ«n capitalise sur cette image française d’élĂ©gance, interrogĂ©s pour trouver le nom d’une sĂ©rie limitĂ©e DS particuliĂšrement raffinĂ©e au niveau de l’habitacle, nous avons proposĂ© « Paris Rendez-vous », en jouant volontairement sur l’image « cliché » d’un Paris intemporel contrastant avec l’ultra modernitĂ© de la ligne DS.
Ces deux mots « Paris » et « Rendez-vous » Ă©tant les deux mots français parmi les plus connus au monde, le test d‘acceptabilitĂ© linguistique fut superflu ! Jambon italien ou whisky Ă©cossais sont dans ce cas.
Utilisez sa marque existante est souvent la premiĂšre solution envisagĂ©e. Mais le nom est-il exportable ? Par exemple, on doit rajouter un signe de son en japonais pour pouvoir prononcer un nom Ă©tranger dans le cas d’une marque par exemple.
ComprĂ©hensible dans toutes les langues, nom de marque disponible ou trop proche de celles des concurrents, sĂ©mantique nĂ©gative, difficultĂ© d’Ă©locution ou de mĂ©morisation ? C’est le cas le plus probable…
Donc dans la plupart des situations d’autres noms vont ĂȘtre recherchĂ©s.

Travail sur le nom de marque, précautions

Pour Ă©viter des dĂ©sagrĂ©ments, nous soumettons les deux ou trois propositions finales Ă  un panel de linguistes qui nous indiquent les risques de connotations nĂ©gatives dans les principales langues mondiales. L’usage du contrĂŽle de la sĂ©mantique, de la comprĂ©hension et de l’Ă©locution des noms doivent faire l’objet de vĂ©ritables tests avec des personnes natives et physiquement prĂ©sentes dans les pays concernĂ©s (Les expatriĂ©s trop longtemps coupĂ©s de leur pays d’origine ne pouvant vivre l’Ă©volution locale des pensĂ©es, langages et sĂ©mantique).
Lors de la crĂ©ation nous Ă©vitons Ă©galement l’usage des lettres qui pourraient poser des problĂšmes de prononciation dans certaines langues
Par exemple :
Le  « j » ( « re » en esp) le « U « (difficile Ă  prononcer dans plusieurs pays) pour aboutir Ă  un nom que l’on prononcera facilement dans le plus grand nombre de pays possible.
Plusieurs marques mondiales ne connaissent aucune entrave à leur déploiement international et sont à cet égard des exemples de réussite.
Citons par exemple : « Accord », « Vivendi » , « Ibis », « Alice », « Areva » qui sont des marques mondiales dont le nom passe bien Ă  l’international.
MĂȘme s’ils n’ont pas de signifiĂ© Ă  proprement parlĂ©, ils n’ont pas non plus de connotation nĂ©gative.

Les connotations qui « tuent »

En gĂ©nĂ©ral, la validation de l’acceptabilitĂ© linguistique Ă  l’international, est une prĂ©caution indispensable si l’on ne veut pas alimenter la liste fort longue des noms, malheureusement connus pour leur connotation pĂ©jorative dans certains pays.
L’un des exemples les plus rĂ©cents fut « Koleos » dont les internautes se dĂ©lectĂšrent de la signification, (selon eux «  couille en grec) au point que Renault dĂ» se justifier sur le choix de ce nom.
D’autres « couacs » connus :

  • le savon « dreck » a Ă©tĂ© transformĂ© en « dreft » aux Etats-Unis, car le nom faisait « trop allemand » et ne marchait pas aux Etats-Unis.
  • Nissan : voiture « moco » veut dire crotte de nez en espagnol
  • Mazda : voiture « laputa » veut dire la pute en espagnol
  • Fiat « Uno » = « ordure » en finlandais<
  • La marque japonaise d’optique « Hypercon » n’a pas rĂ©ussi Ă  s’implanter en France
  • Alcatel signifie « le tueur » en arabe
  • Honda a fini par dĂ©baptiser pour la France sa « MR2 »
  • Calvin Klein avec son parfum « Crave » qui a eu du mal Ă  s’implanter auprĂšs des Français.

Plus de gaffes:

D’autres prĂ©fĂšrent changer de noms selon le pays, ex : ElsĂšve de l’OrĂ©al = Elvive au Royaume Uni et Elvital en Allemagne.
Les différents continents ont des contextes culturels spécifiques :
Ayant travaillé pour la marque LancÎme qui souhaitait un nom pour son parfum « Miracle», les tests nous ont appris que les consommatrices américaines restaient totalement insensibles à la créativité et au deuxiÚme degré français. La promesse explicite du produit (bonheur, plaisir) était une condition sine qua non de leur acceptation. Le prénom «So Magie» a donc été choisi de préférence à des noms plus originaux.
L’adaptation des noms pour le marchĂ© chinois est aussi un enjeu important, car les Chinois ne retiennent pas les noms Ă©trangers comme nous ne retenons pas les noms chinois. De plus, ils accordent beaucoup d’importance Ă  l’apparence et ne peuvent se permettre de prononcer mal les noms et ainsi « perdre » la face devant les clients, leurs amis ou leur femme. Les noms chinois doivent Ă©voquer quelque chose d’heureux tout en gardant une prononciation assez proche du mot (ex Danone =daneng = exprimer ses capacitĂ©s)
ex :

  • Carrefour = jia le fu = la famille heureuse
  • Ikea = yi jia = la maison adĂ©quate
  • Volkswagen = da zhong = le grand peuple
  • Moet et Chandon = Ming yue = la joie de dĂ©guster du bon vin
  • ChĂąteau d’Yquem = di jin = goutte d’or

Dans les annĂ©es 1920, la premiĂšre implantation de Coca-Cola en Chine n’a pas Ă©tĂ© d’un grand succĂšs, car le nom se traduisait « piment en cire ». Un concours public a finalement fait aboutir le nom Ă  « keke kele » qui signifie « bonheur dans la bouche ».

Une marque 100% internationale dans son concept!

Marque unique ou multiples marques locales ?
Faut-il utiliser des noms diffĂ©rents par pays ou par zone ou selon les circuits de distribution (par exemple dans le cas de la vente d’une licence ou d’un conditionnement local)?
Une marque globale prĂ©sente des avantages de rĂ©duction de coĂ»t (publicitĂ©, marquage, standardisation, prestige de l’impact mondiale) mais est rĂ©ellement exploitable s’il existe un marchĂ© assez homogĂšne dans le monde pour justifier d’une marque globale.
Mais elle présente aussi de nombreux inconvénients comme une inadaptation locale culturelle ou linguistique, sensible à des contrecoups de politique étrangÚre (boycott, symbole impérialiste) la complexité du dépÎt de nom, le risque de copie à grande échelle car, plus grand marché pour les contrefacteurs, peu de souplesse dans les revirements de marché, choix de noms neutres pour plaire au plus grand nombre sans message et personnalité forte et sans originalité car trop consensuelle.
Ce document résume trÚs bien la problématique http://www.qualitropic.fr/news/42/fichiers/1_TRADEMARK_PRESENTATION.pdf

Le juridique

La validation juridique, c’est le test ultime au-delĂ  duquel nous franchissons la distance qui sĂ©pare le mot de la marque.

La disponibilitĂ© juridique au niveau mondial est tout d’abord rĂ©alisĂ©e Ă  sur les noms l’identique par l’agence, grĂące Ă  un service utilisĂ© Ă©galement par les cabinets spĂ©cialisĂ©s en propriĂ©tĂ© intellectuelle, qui permet de consulter l’ensemble des bases des marques mondiales.

Puis sur les deux ou trois noms finalistes retenus, nous lançons une recherche d’antĂ©rioritĂ© approfondie qui, cette fois, tient compte des similitudes possibles avec des marques antĂ©rieures. Le nombre de pays et la stratĂ©gie Ă  adopter est dĂ©fini en concertation avec le client.

Les frais juridique pour les vĂ©rifications et le dĂ©pĂŽt d’une marque mondiale peuvent coĂ»ter jusqu’ Ă  150 000 € pour une protection mondiale.

Pour rĂ©partir ou limiter ce coĂ»t, les recherches et les dĂ©pĂŽts de font progressivement en fonction des prioritĂ©s d’exploitation. En mode raisonnable, de l’ordre de quelques dizaines de milliers d’euros.

Une recherche de noms qui concerne la France peut ĂȘtre menĂ©e en deux ou trois mois. Lorsqu’il s’agit d’une marque internationale, les dĂ©lais sont plus longs, la coordination juridique et les rachats possibles de marques antĂ©rieures dans certains pays, peuvent multiplier ce dĂ©lai par 3 ou 4 !

L’aspect juridique pour une marque globale est un casse-tĂȘte parfois insoluble et se complique avec les noms de domaine !

Soit d’excellentes prises de tĂȘte pour :

L’arrivĂ©e des noms de domaine en langue native et le recul de la suprĂ©matie de l’anglais sur l’internet, les noms locaux (.fr .eu…) protĂ©gĂ©s et les nouvelles extensions de domaine (.io le prĂ©fĂ©rĂ© des start-ups) permettent de sortir du bourbier du .com dĂ©jĂ  pris qui, rappelons le, n’apporte pas grand-chose pour le rĂ©fĂ©rencement…

La crĂ©ation d’une marque produit ou d’une raison sociale destinĂ©e Ă  l’international est certes un parcours du combattant, qui demande des ressources et de la persĂ©vĂ©rance, mais, heureusement , Ă  la diffĂ©rence de tous les autres investissements de communication, il est rĂ©alisĂ© une fois pour toute.
En effet, la marque s’installe, se valorise, devient un actif. En proportion de l’ensemble des dĂ©penses de communication, le nom qui est un des composants majeurs de l’identitĂ©, n’aura finalement reprĂ©sentĂ© qu’une faible part des dĂ©penses de communication. C’est la raison pour laquelle les agences de naming sont les partenaires indispensables des entrepreneurs qui souhaitent dĂ©ployer une stratĂ©gie de marque cohĂ©rente et durable.

2 rĂ©flexions au sujet de “Les noms de marques Ă  l’international”

    1. Beaucoup de choses Ă  penser pour l’international… et le bricolage n’est pas de mise, il faut des pros expĂ©rimentĂ©s dans de nombreux domaines, un enseignement que mes 30 ans d’export n’ont fait que confirmer…

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