La question n’est pas innocente et le choix de la langue non plus. Pourquoi donc apprendre le croate, langue d’un pays de 4 millions d’habitants que tous ne savent pas situer sur une carte et qui ne présente pas l’avantage a priori « de faire des affaires » ?
La question n’est aussi pas aussi fermée qu’elle en a l’air, car il s’agit plutôt de répondre à la vraie question pourquoi apprendre une langue qui n’est pas majeure comme l’anglais ou l’espagnol. Notons au passage que le critère de langue majeure est sérieusement écorné quand on compte en France le faible nombre d’apprenants non natifs du mandarin, du russe ou de l’arabe… Un premier mythe français, le concept de langues rares comme le mandarin aux locuteurs de plus d’un milliard !
Il y a aussi sûrement un côté condescendant dans l’appellation de langue mineure, donc inférieure au français pour se rattraper de son infériorité face à l’anglais à l’international. Or toutes les langues sont majeures dans leur pays natif et s’appuyer sur un classement numérique est très réducteur. Les sardines sont-elles plus intéressantes que les orques, car plus nombreuses ?
L’approche d’une nouvelle langue
Quand on parle de langues (c’est le cas de le dire !), il faut ne pas rester dans l’ignorance et rechercher son aire géographique. Or le croate réserve des surprises (connaître aussi la vérité sur le croate ou anciennement serbo-croate…) avec sa diaspora très importante au regard de sa population :

Les motivations pour apprendre une langue sont en France généralement de quatre types : originaire de, vacances, affaires, langue majeure de l’ONU. On ne coche donc pas vraiment de case pour le croate (nombre de locuteurs, diaspora croate minimaliste en France, destination touristique méconnue…)
Exemple de motivation à la française sur ce site Apprendre le croate en 5 minutes : la langue croate et les mots usuels (où l’esprit du pays avec le plus de vacances au monde prédomine). Pour les langues mineures et leur apprentissage éventuel (5 minutes pour ne pas faire peur et présentation type voyages-vacances pour pouvoir communiquer avec quelques mots), une approche pour jouer au bon touriste. Évidemment, c’est déjà ça ! Mais pourquoi faire l’américain et ne pas aller plus loin en apprenant vraiment une langue ?
La majorité des langues dans le monde n’ont souvent droit malheureusement qu’à ce type d’argument (avec l’emploi) sur les sites français et les humanités sont devenues un lointain souvenir dans la culture française. Voici une liste des langues de la planète pour élargir son paysage mental.
Si vous allez faire un tour sur un site « international » qui ne cible pas particulièrement des Français, vous découvrirez alors d’autres motivations plus originales mises en avant et qui révèlent l’esprit étriqué et sclérosé acquis à l’école dans le domaine des langues étrangères par une majorité de Français (complexe également de la France, nombril du monde).

Si vous trouvez une école de langue qui utilise des arguments de ce type en France (ici pour apprendre le croate), merci de me le signaler en urgence…
Les avantages d’apprendre le croate
Les affaires : porte ouverte vers les Balkans avec ses locuteurs de différentes variantes, c’est aussi une entrée dans le monde slave à l’aire géographique majeure en Europe (voir plus bas l’aire linguistique slave). Une connaissance basique de la langue vous permettra deux choses : un déplacement moins stressant et un contact « commercial » assuré, à l’importance grandissante quand le nombre d’étrangers apprenant une langue locale est réduit…
Pour les professionnels, cette aptitude à circuler vous libère d’un stress lors des déplacements ou de la peur de sortir du couloir réducteur anglo-saxon (où les prix sont toujours plus chers et surtout hyper fréquenté par la concurrence…) et qui freine votre liberté de manœuvre. L’usage du croate ne se limite pas à la seule Croatie, mais aussi dans des pays voisins
Apprendre le croate, c’est aussi montrer votre détermination et potentiel pour un futur employeur vous démarquant ainsi de la masse.
Le développement personnel : Un défi qui vous porte vers le haut tout en favorisant la mémoire et l’ouverture sur le monde. Apprendre une langue qui semble non utile en apparence, c’est démontrer sa capacité à être libre, étendre son champ d’action et de se prouver que tout est possible. Le mandarin ? Même pas peur ! Vous pouvez aussi tout aussi bien vous lancer dans l’apprentissage du slovène pour rester dans l’aire linguistique et géographique 🙂
Également un terrain de « rencontres » plus élargi pour les célibataires…
Curiosité aussi avec vos recherches sur le web d’informations et la découverte d’une destination de vacances riche de culture antique (avec 99% de chance d’y aller un jour quand vous aurez vu les photos et les commentaires sur le web). Un élargissement conséquent de votre Europe personnelle avec un ajout des Balkans (regarder sur une carte l’espace géographique !). La Croatie est dans l’Union européenne et bientôt dans Schengen et l’Euro zone…
Les vacances :

Les Français commencent timidement à s’intéresser à cette destination à deux heures de Paris (nouvelles lignes charter de Transavia – Air France ou encore TUI et ses séjours clubs) et européenne. Elle est depuis des décennies déjà reconnue des touristes en provenance des pays de l’est de l’ancien bloc, mais aussi d’Allemagne, d’Italie ou de Grande-Bretagne. La mer « adriatique » a des eaux parmi les plus cristallines de la Méditerranée (en raison de sa côte rocheuse et de ses 1200 îles et îlots) avec très peu de requins (grands blancs entre autres) en comparaison avec d’autres zones (la configuration bio marine expliquant en partie le phénomène).

Dans le cas présent, j’apprends le croate pour aller en vacances et emmener mes petits-enfants pour leur apprendre à faire de la plongée ou du Windsurf en Europe (union européenne), une zone dont ils sont citoyens, et se la péter grave en parlant la langue locale devant eux 🙂 . De plus, un séjour dans les zones touristiques de Croatie me permet aussi sans difficultés de trouver de nombreux locuteurs natifs de russe, allemand, anglais, ou d’italien pour pratiquer !
L’atout polyglotte
Apprendre une langue comme le croate présente de gros avantages :
Le premier est l’étude d’une langue sans stress ou pression. Vous pouvez ainsi développer votre propre stratégie tranquillement, réfléchir aux meilleures méthodes et faire preuve d’imagination et d’originalité hors du carcan de la formation professionnelle toute dévouée en mode Panurge à l’anglais et formatée par des exigences administratives (essayer de faire financer un voyage d’immersion, méthode reconnue pour son efficacité).
Notons que les Croates seront très tolérants sur les erreurs (genres, déclinaisons, tonalités…) car très réceptifs à l’apprentissage de leur langue par un étranger, mais aussi habitués aux variantes selon les régions et les personnes qui font qu’une accentuation différente (révélant la région d’origine…) ne fera pas l’objet d’une correction comme en France, le seul pays européen qui n’admet pas les « dérives régionales » (n’a toujours pas d’ailleurs signé la charte européenne sur les langues régionales…)
Échappez encore à l’académisme à la Richelieu ou à la frilosité des écoles de langues plus préoccupées de vous vendre des heures (plutôt en anglais, c’est facile et ne demande pas d’effort pour vous convaincre) pour soutirer un maximum de la manne obligatoire (un truc très français) à saisir dans l’usine à gaz du système français (en Allemagne, pas d’organismes collecteurs, ce sont les entreprises qui s’occupent de leurs formations, car curieusement elles savent le faire toutes seules comme pour les autres fournisseurs).
Apprendre le croate est une liberté de voyage qui ne demande pas de visa. En réalité vous vous libérerez d’un complexe très français de la peur des langues et du carcan académique et entrepreneurial (en osant l’aventure de l’auto-apprentissage, car la formation officielle, il faut un peu oublier…) pour peut-être en faire un hobby et sûrement devenir polyglotte, car passer cette étape, tout vous sera possible. Notons que le maître mot en France est uniformisation en mode soviétique (comme pour les langues régionales) alors que le monde a changé et que le besoin en diversité en langues s’accroît pour répondre à la mondialisation.
Le croate est aussi une porte qui vous ouvre le monde slave, car la langue s’apparente à de très nombreuses voisines, celles à la similarité qui vous rend immédiatement opérationnelle (en apprenant parfois l’alphabet cyrillique) et celles dont les ressemblances de vocabulaire sont frappantes comme ici avec le russe (vidéo) et toute la famille slave (vidéo) :

Apprendre le croate, c’est donc disposer d’une langue qui vous prépare à toutes les langues slaves. Et ça fait beaucoup…

Langue difficile? Un gros +
La difficulté éventuelle du croate, langue classée difficile dans beaucoup de tops pour un apprenant) et qui figure en général dans le groupe 2 après le 1 (Japonais, basque, coréen, chinois, finlandais…) a en fait des caractéristiques qui vous préparent sérieusement aux langues slaves, mais aussi à celles du monde comme avec les déclinaisons (7, une de plus que le russe, 4 pour l’allemand, mais moins que 14 pour une autre langue européenne), les alphabets avec des originalités dont ici certaines proches du pinyin (le système de romanisation du chinois. Pas un hasard, le créateur du pinyin a utilisé les travaux d’un Russe de langue slave pour le faire) ou encore l’usage tonal (les quatre tons du croate sont parfois similaires à ceux du mandarin). Les sonorités vous préparent aussi à une plus grande écoute et familiarité avec de nombreuses autres langues. Des caractéristiques à découvrir ici: is-croatian-a-difficult-language-to-learn et quelques bons plans pour apprendre :
- Mango, une application multilingue de qualité qui propose du croate
- Ivana P sur la plateforme allemande d’enseignants Colanguage pour des cours particuliers en ligne de croate
- Un pdf de choc complet pour apprendre le croate
- Une application fun pour s’initier au croate (entre autres)
- Une application toute simple, mais efficace pour des mots et phrases de base pour le voyage
Un premier plateau est d’arriver à un niveau A2 qui vous permettra de voyager en utilisant avec efficacité un petit guide de voyage comme ceux d’Harraps ou Berlitz pour vous déplacer à l’aise dans le pays (vous préparez vos phrases avant la station service, par exemple). Vous faites alors l’acquisition de routines qui vous rendent familière la langue et s’impriment dans votre cerveau. La langue n’est plus alors aussi étrangère et est conservée dans votre mémoire à long terme facilement réactivable en cas d’interruption de l’apprentissage.
Apprendre une langue réputée difficile, même au niveau A1, miraculeusement vous fera aussi paraître la plupart des autres faciles ! Depuis le russe et le chinois, je ne me pose même plus la question de la difficulté d’une langue (l’allemand, trop facile !)
Lire aussi notre article apprendre le Croate
Conclusions
Quelle que soit votre motivation, il faut sortir du piège de l’utilité apparente, faire le choix de la diversité et osez l’aventure ! Toute langue nouvelle apprise affine votre stratégie d’apprentissage (vous apprendrez alors mieux et plus vite) et facilite l’approche d’autres (faire de l’allemand première langue ne vous handicape absolument pas pour de l’anglais en seconde langue ou démarrez à 14 ans malgré les croyances) mais surtout vous sortent du bourbier, je suis nul en langue, bloqueur de progrès.
Devenir polyglotte, c’est possible pour tous ! Une langue nouvelle tous les trois ans = 4 langues 12 ans plus tard… Apprendre une langue comme le croate, c’est le signe et point de départ de votre capacité à vous ouvrir au monde et à développer un talent naturel d’acquisition des langues étrangères.
Remettre en cause la vision étriquée et omniprésente de l’apprentissage actuel, car les langues étrangères ce n’est pas uniquement un démarrage avant le bac ni le monopole de la formation professionnelle plus tard ! La structure omniprésente éducation nationale+formation professionnelle a englué les Français dans des croyances réductrices et infantilisantes. Il suffit de jeter un coup d’œil dans tous les autres pays du monde pour voir à quel point on est ringard (voir mon article sur les écoles de langues) et retardé dans notre vision de l’apprentissage des langues sans parler des gouvernements scotchés en mode tout anglais alors que le pouvoir anglo-saxon s’affaiblit et que les plus gros marchés sont à l’est, en Asie plus particulièrement.
Pourquoi s’imposer des limites et ne pas apprendre le croate, le bambala, le quechua, le tagalog ou encore le slovène est, en fait, la vraie question à se poser !