Bref, j’ai co-worké…

Scotché pour quelque temps « à la capitale » et en mode nomade, les paillettes du co-working parisien brillaient de mille feux… Mais le ramage se rapporte-t-il au plumage ?

Voici donc le rapport de ma plongée dans le microcosme des espaces communs dit « bureaux nomades » (échantillon réduit à une quinzaine d’essais sans prétention d’études ou de statistiques).

Le co-working, pire qu’une mode (elle passe), une tendance (on en voit jamais le bout)…

Le co-working, qui derrière des discours « new age work », est en réalité et en quasi-majorité du co-renting ou des bureaux partagés (comme le site éponyme). Il porte ainsi très mal son nom en anglais ou en français (co-travail). De plus, en français, il n’évoque point l’aura coolesque de ce nouveau mode de travail. Co-fréquence, Co-co t’as le look, Co-loisirs, Co-pains des bouleaux (écologique), Co-lieu… le nom reste à réinventer!

On travaille ensemble, c’est-à-dire chacun dans son coin (mais pas dans sa bulle vu la promiscuité) et d’un air faussement complice dans la plupart de ces lieux (un coworker est par définition toujours cool et un collègue de bureau toujours grincheux, c’est gravé dans le silicone). C’est surtout l’adaptation à une demande d’indépendants qui ne peuvent ou ne souhaitent travailler à la maison et ne peuvent s’offrir des bureaux (et super dépendants à mon avis des donneurs d’ordre et capitalistes aventuriers). Bien sûr il sert aussi comme un espace adapté aux nomades d’entreprise et des initiatives « nouvelle économie » mais à l’image de la colocation, c’est d’abord et surtout une affaire de pognon.

Le concept Avant: La conception du co-working selon La Mutinerie, un pionnier

Dans un espace de coworking, les membres sont complémentaires et signent des contrats entre eux. On retrouve les pôles de compétence principaux de l’entreprise (créatifs, managers, communicants) ce qui permet à chaque membre un accès facile, naturel et enrichissant à des ressources humaines variées…

L’application du concept aujourd’hui

Quelques rares centres, en général spécialisés dans un secteur d’activités, jouent la carte de la participation active, voir obligatoire, mais, pour les autres le co-working c’est surtout participer à des small talks à moins de 10 mètre de la machine à café ou thé (si ce n’est pas votre tasse) et participer à quelques activités « d’animations sociales » et pitchs !

Le co-working tendance lourde, passé le communautarisme des débuts, c’est le co-renting option immobilière car c’est avant tout un truc pour sortir des loyers pas chers (350 €). À 1000 € l’aquarium dit bureau dans la capitale (ça fait réfléchir le newbee) avec les néons (les lumières pas les poissons exotiques) et souvent plaqués près de murs aveugles et dans des recoins obscurs (l’espace commun est d’ailleurs là pour aller respirer un coup comme les poissons rouges en manque d’oxygène à la surface de son bocal…) a pour principal avantage de rentabiliser des M2 mal adaptés pour la location classique. Soyons honnête, si vous trouviez des bureaux fermés à 300 euros dans la capitale, tranquille pour téléphoner, recevoir ou se crotter le nez en toute discrétion, vous n’iriez pas vous agglutiner en permanence et en toute indiscrétion dans un espace commun pour bosser…

Bonus, dans les co-workings de même métier, on peut pomper généralement les idées des autres. Travailler avec ses potentiels concurrents ça peut servir en France, pays peu enclin au collectif japonais ou allemand ! Ceux sponsorisés par des grands groupes sont top aussi, les mésaventures des petits se trouvent sur la toile pour mémoire entre Pépin le bref et queue de cerise…

Le rêve et la la réalité

Tous différents!

De l’aménagement aux services proposés, des formules aux spécialités, pas un co-working n’est identique. Avec plus de 300 espaces (des moteurs de recherche comme BAP, Beewake ou Neo-nomade, le vôtre ici… en échange d’une journée gratuite…) sont très utiles pour les découvrir. C’est le grand choix avec son lot de défauts et de qualités et tous les cas de figures. L’idéal dans ce domaine restera toujours « idéal » jamais atteint (je ne l’ai pas encore rencontré). En réalité comme les clients sont tous aussi différents, les combinaisons possibles sont multiples ! Un grand choix et de nombreuses ouvertures même si certains précurseurs ferment. Quand arrêtera l’inflation et commencera la récession ?

Les pros de l’immobilier

Ils investissent en masse et en moyens le secteur et ça se ressent sur l’ambiance. Ce sont les « corporates » brut de béton pour louer du M2 carré. Ils pullulent dans les quartiers classiques de bureau avec la cherté de l’adresse Rivoli ou Haussmann en option (pas vraiment l’idée du début de l’aventure du co-working) ou au pied des tours de la défense. Le marché de récup est celui des cadres et détachés de grands groupes, entre autres, pour résoudre le problème d’espace de ces derniers (louer c’est s’engager, cher et certains personnels sont mieux dehors) avec pour objectif des clients solvables et des grands noms pour l’image et la promo et moins regardant (c’est l’entreprise qui paye). Souvent issus de l’immobilier pur, et au vu des prix du secteur, ils ont en priorité la location de bureaux fermés, activité plus régulière, rentable et fiable, et le co-working est alors un espace alibi pour faire tendance et chic sur les plaquettes et les sites web. Le co-worker est alors dans ces centres un citoyen, mais de deuxième classe…

Un truc pour en reconnaitre certains, il y a des téléphones fixes sur les postes de travail, mais comme on ne peut pas faire trop de bruit pour parler, ils décorent…

On ressent aussi le poids des structures… Là où d’autres co-workings vous demandent un nom et un e-mail dans les « corporates », on remplit des « dossiers ». Dans l’un deux, et avec un abonnement, pas moins de 20 clics étaient nécessaires pour réserver en ligne une journée (et pas de moyens de paiement sur place et des bugs en sus).

La faune et la flore parisienne

Les plantes sont un signe de bonne santé et vitalité. Et puis écolo en diable ! De magnifiques centres ont ainsi concocté des paysages architecturaux géniaux et admirables pour une cool et branchitude attitude (manque les arbres pour être vraiment branché…). Ils sont plus chers, car un décor ça se paye et s’entretient, mais on l’avantage de flatter les visiteurs. À quand le tour-opérateur grands lieux de culture co-working pour les visiteurs étrangers ? En général l’impact écologique est très sensible sur la facture…

Ils répondent toutefois à un changement agréable d’environnement pour des travailleurs nomades ou non et permettent la visite de serres parisiennes (ça change de celle du parc de la tête d’or à Lyon!).

Le co-working baba cool

Cool, très cool. Deux fois plus cool s’il y a la clim.

Ambiance vraiment décontractée (pas une de façade) avec des options chiens, enfants et produits bios livrés. Les prix sont sympathiques, l’ambiance nature et l’esprit plus ouvert des origines, mais ne peut que survivre en périphérie en raison des prix de l’immobilier à Paris intra-muros où ils sont en cours d’extinction. L’inconvénient est que l’on ne peut pas emmener tout type de clients ou visiteurs dans ces lieux de grande convivialité. Surtout le jour du marché bio.

Le coworking café

Il porte bien son nom. En gros, c’est un café ou salon de thé avec du WIFI… Places très réduites, « bureau » taille assiette… ce sont des cafés bondés idéaux pour une petite discussion, un entre deux trains ou une rencontre option si affinités. Sympas, mais tous pas vraiment pros pour la productivité, car souvent bruyants (ou animés selon votre définition), au va-et-vient perturbateur et au vu de l’étroitesse des lieux.

L’argument gustatif : des cafés proposent des produits bio ou de goût, mais la grande majorité propose une gamme lassante et réduite de produits industriels type supérette.

Pour les langues étrangères certains proches de lieux touristiques (le Louvre) ou universités sont fréquentés par de nombreux étrangers (en fait surtout étrangères) pour les pratiquer.

Le vraiment collectif

Tellement collectif que la belle salle est le plus souvent « privatisée » (c’est plus rentable) et vous vous retrouvez coté poubelle ou confiné en arrière salle (parfois le centre est carrément fermé).

Le cheap

L’élevage de poules en batterie, vous connaissez ? Le call center cabines made in India, aussi ? Tout est dit…

Le co-working sportif et actif

Des activités sont proposées. Physiques et culturelles. Tous moins bien que dans un lieu dont c’est le métier, mais ils sont sur place ! Il est vrai que l’univers du co-worker est tellement stressant à la longue que se détendre sur place devient quasi obligatoire. C’est chouette, car on peut se détendre, avoir des loisirs au bureau et travailler tard chez soi, un réel progrès dans son organisation de vie ! Autre espèce, le coworking escalade et accro-branches à raidillon d’accès comme l’un du quartier latin (mais qui a l’avantage d’être à un piolet des boutiques du vieux campeur pour le matériel d’escalade). Du coup, au premier étage, on se retrouve entre aficionados qui ont passé le test !

Vie commune

Propreté, toilettes, gestion de cuisine collective… RAS, on est en France (c’est comme dab s’il n’y a pas un service pro ou maman pour passer derrière). Prochains tests pour comparer en Allemagne, Corée ou au Japon, le pays où les écoliers nettoient eux-mêmes leur classe … au-japon-les-ecoliers-nettoient-leur-salle-de-classe

Ambiance : toute une galerie de personnages donne vie à un co-working du bruyant au groupe de masse occupant l’espace (et ne se reconnaissant qu’entre eux) en passant par le/la timide ou perso dans son coin (mon espace personnel se compte en mètres !), le pompeur qui vient pour tous vos services gratuits, le codeur silencieux ou encore les zonards qui trustent les meilleures places (comme les rares sièges confortables ou les espaces lumière naturelle) théoriquement non attribuées ?

Bref, comme au bureau, mais en version serrée comme le café. Les querelles de clochers sont de retour comme pour la clim, mais en pire.

Le babyfoot, les activités de billard et les boules qui s’entrechoquent, c’est sympa ! Un moment. Mais bien travailler c’est pouvoir faire du baby comme le dit probablement un proverbe chinois…

Le big black dot, le téléphone…

En dehors de la horde policée d’informaticiens codeurs scotchés sur leurs écrans et en mode communication basse, tous les autres qui ont besoin de recevoir des appels clients ou fournisseurs sont privés de téléphonie pour ne pas déranger l’ambiance studieuse. Répondre à son client, c’est 1- sortir, d’où l’intérêt du repérage des lieux donnant sur une rue piétonne, un jardin ou une placette (prévoir le parapluie éventuellement). 2- la ruée vers la cabine téléphonique (en moyenne 2 pour 50 personnes).

Le co-worker communicant se reconnaît d’ailleurs au halètement 1- pour se rendre en urgence à la cabine 2- en raison de l’effet sauna au bout d’une minute dans un espace de confinement d’un mètre carré sans aération, mais équipée de revêtement isolant. Le nom de l’expérience en cours n’est pas précisé à l’entrée. On raconte qu’on a vu Denis Brognard en repérage pour une nouvelle émission de survie…

Les co-workings type « j’ai un espace à rentabiliser »

Ouvert à certaines heures comme un hôtel ou une cafétéria universitaire. Pas chers, mais aux horaires pas très flexibles et source de découverte de (nouvelles odeurs produits d’entretien).

Le coworking design

Si vous en avez plein le dos des bureaux en entreprise, vous trouverez dans cette formule votre bonheur et un très large choix de design gai, jeune et coloré. Le truc à savoir c’est que vous en aurez aussi rapidement plein le dos aussi (version physique) en raison de l’incroyable collection rassemblée des pires mobiliers de torture pour s’asseoir. Dans certains cas, on ne l’accepterait pas pour son chien ou on lui piquerait son panier. L’ostéopathie à de beaux jours…

Test confort. Le but est de rester une heure assis…

Voir en particulier la position de massage idéale du dos de l’homme dans le fond et la cassure sexy sur le canapé ! Par charité et prudence, je ne publie pas de photos de co-workings à paris…

Le top du co-working ! Visualiser les modèles de sièges dans cet article (lien ci-dessous). Même vos gamins vous râleront dessus si vous les acheter pour leur chambre chez Ikea et vous risquez de déclencher une grève en entreprise si vous équipez vos collègues avec. Faire aussi le test assis une heure…

Respectueux des normes

On sent l’hésitation dans cet article de certains à tenter l’aventure de les suivre…

Il semble aussi que les règles pour l’enfumage ont été oubliés pour ce secteur…

L’éthnicité

Très ouvert, vous êtes les bienvenus quelque que soit votre couleur ou tribu, mais bien choisir son style de centre pour ne pas apparaître déphasé. Les fautes de mauvais goût ne pardonnent pas et la communauté isolera rapidement la cellule défectueuse. Qui se ressemble, s’assemble prend ici tout son sens derrière l’apparente ouverture. Si vous cherchez un coin avec Wifi pour vous poser une journée pas de problème, mais rechercher une réelle fonction « co-work » nécessite une étude de la faune locale et du centre pour bien choisir.

Attention au carton rouge si vous êtes de l’éthnie des « vieux ». Rappelons qu’un « vieux » c’est pour un recruteur dépasser les 45 ans…

Voyez-vous des « vieux » dans « friends » ? Non, bien sûr. Et bien le co-working dans l’imagerie populaire, c’est pareil (seuls les vieux financeurs sont tolérés…). Car une start-up est réservée en priorité aux jeunes et si possible à capuche. Débarquer dans certains espaces au look « friends » (le loft californien partagé par des jeunes adolescents au gros revenus vu les prix dans la région) ça fait tâche comme l’adolescent dans une maison de retraite. Un peu de décence et de retenue les « vieux »…

Il faut dire qu’un vieux ne peut faire partie du club fermé du digital. On se demande d’ailleurs qui a inventé l’informatique, le web, l’internet, les jeux vidéos… qu’ils utilisent, ces milléniums 🙂

Un truc qu’ils ne savent pas c’est qu’en 1976 on étudiait déjà le basic à école et les premiers PC datent du début des années 80 quand la fameuse « génération numérique » n’était pas encore née. Le numérique aujourd’hui, pour les non-informaticiens, c’est l’art de pianoter sur son smartphone (mes petites filles de 6 ans font ça très bien depuis longtemps, rien de très sorcier) et les applications que j’utilise en tant que « vieux, par exemple de Slack à Airtable en passant par WordPress ou Salesforce sont d’une simplicité à faire pâlir en comparaison avec les logiciels de notre précambrien.

Co-worker avec un vieux, c’est d’ailleurs assez craignos et limite agression s’il vous parle. Bon j’exagère un peu, d’autres espaces vous accueillent sans problèmes et il existe mêmes des « nids » de vieux cachés dans Paris et sa couronne, il suffit d’éviter les « no go » zones…

Corona, le virus, pas la bière…

Suite à la pandémie qui restera dans les annales de la peur et qui reviendra sous cette forme ou une autre, les « open spaces », déjà sous l’avalanche de constats négatifs (bruit, nomadisme épuisant, …) font face à une menace majeure en cas d’épidémie même si le principe permet d’accélérer avec brio l’immunité de groupe. Bien sûr, des règles d’hygiène peuvent être mise en place, mais quand on voit déjà la plupart des poubelles et coins cuisines de nombreux co-workings, ce n’est pas gagné…

Bref, j’ai co-worké…

Note : quelqu’un a-t-il l’adresse d’un bon ostéopathe sur Paris ?